Culte du jardin

Un jardin peut se faire dans la terre sableuse. Le jardin sable, il y en a un en Campines et un au Westhoek. Plus bas que ce mini plateau, s’étend le plat pays.
Le vent a beau souffler, le sable ne meut pas. Il n’est pas meuble, tant que les arbres, tels des hommes, et les arbustes, tels des femmes, montent la garde.

Le vent souffle souvent au plat pays. Du nord et de l’ouest, parfois de l’est, rarement du sud. Sous le plat pays, le vent. Le pays aplati par le vent, souvent. Cela fait même chanter, quoi.

Les nègres d’antan labouraient cette terre sableuse. Beaucoup de labeur pour quelques maigres légumes. Et le soin quotidien de quelques vaches et cochons, d’un cheval et d’un tas de poules et leur coq.

Les blancs à présent y ont construit des villas et cultivent un jardin. Ils sont bourgeois, souvent, et certains sont un peu flamands. Et où sont les nègres d’antan ?

Personne ne s’attend à ce que l’on réponde à cette question, à une telle question. Tout le monde, ou presque, est content que les nègres d’antan ont l’air disparu. Ils sont si bourgeois, souvent. Or, les nègres n’ont pas vraiment disparu. Ils se sont retirés dans un recoin, quelque part à l’ombre, pour y vivre une vie tranquille sans labeur ni légumes, dans l’amertume ou dans la paix froide.
La révolte, de boerenkrijg, se répétera-t-elle ? Ou bien, s’infiltrera-t-elle ? Et si oui, où et comment ? Ne voulant ignorer la première question, voilà que d’autres se posent, voire s’imposent.

On a beau cultiver son jardin, sous la surface tranquille d’un monde en paix armée et froide…
Qui un jour, reverra la lumière, en criant et en se surchauffant corps et âme ?
Quoi qu’il en soit, Jaco regarde son jardin, assis dans un fauteuil de jardin, à première vue en bois, au toucher en plastic. Il y a dix ans, il avait acheté chez Casa un ensemble en bois de teck, exotique et destiné au jardin. Après cinq ans, l’éternité à laquelle ces meubles auraient dû être destinés, avait déjà écoulé et il en acheta alors en faux bois, au Carrefour.

Son jardin, non seulement il le cultive, il l’avait même, lui-même et de ses propres mains, planté. Il l’avait entouré d’arbustes qui poussaient vite et demandent moins d’entretien qu’une haie. Toutefois, il les avait plantés pour son épouse.
Voilà justement qui s’amène. Vêtue d’un peignoir, bientôt toute dévêtue, elle s’allonge sur un drap de bain, s’exposant à poil au soleil.

Les voisins n’en voient rien. Jaco en voit tout. Ses seins encore fermes, ses fesses, etc.
Peu importe, puisque les arbustes nous empêchent d’en voir les détails, stupides arbustes ! Qui, dans la terre sableuse, prennent leur pied et racines avec un plaisir sans bornes. Qui fricotent leurs feuilles, voyant tout, tout comme Jaco.
Il avait rencontré son épouse en fuyant la colère du roi de l’Espagne. En effet, celui-ci avait trouvé une petite bande dans la pièce à provisions, buvant de l’eau-de-vie faite maison. Personne n’en parla, même pas le journal, s’agissant de gangrène.

Toute gaie, la bande avait grimpé les collines pour arriver au pays de la Meuse et du Waal. Jaco avait alors trente ans, sa compagne à peine seize. Ils dansaient des boogie woogie, très free, be-bop. Entre Meuse et Waal, ils avaient trouvé refuge, avaient vécu sans papiers, en attendant une amnistie ou une régularisation. Le roi de l’Espagne avait retiré ses troupes colonisatrices, le nouveau gouvernement avait régularisé les sans papiers et Jaco trouvait vite emploi, épousa sa compagne et cultivait son jardin.

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